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ANNÉE
2025
Ingo Schulze, Emine Sevgi Özdamar, Jan Wagner, Georg Klein, Wolfgang Herrndorf, Annette Pehnt, Marcel Beyer.

« Le style est un diagnostic du monde. » Ces propos, qui pourraient servir d’épigraphe à ce numéro, sont ceux d’Ingo Schulze – s’inspirant de l’analyse d’Alfred Döblin – tandis qu’il rendait hommage, dans un discours d’adieu, à Günter Grass (1927-2015). S’inscrivant dans l’héritage du prix Nobel de littérature 1999, inlassable polémiste et peintre sans concession de l’Allemagne, auteur du détonant Tambour (1959), cette déclaration ambitieuse est programmatique de l’art inclassable, énergique et humaniste, délibérément dérangeant qui fut celui de Günter Grass.

À l’honneur dans ces pages, des écrivains au talent singulier et irréductible témoignent de cette rencontre entre une langue et une époque. Un texte d’Emine Sevgi Özdamar d’abord, dont l’intrication déroutante des références, l’effervescence de la prose directement venue du théâtre dynamitent les frontières des registres et des genres institués. Célébrant l’art de la nature et du vivant, la voix poétique de Jan Wagner fait résonner une sensibilité tendre et mélancolique, teintée d’un humour doucement subversif.

L’univers de Georg Klein est lui tout empreint de la profondeur apocalyptique de l’Histoire. Dans l’une de ses nouvelles, une poignée de survivants – des professeurs et des enfants – se retrouvent dans un monde totalement détruit après une catastrophe. Tandis que les représentants du monde ancien peinent à se dépêtrer de leurs souvenirs, les enfants, vierges de toute mémoire, fomentent des plans d’avenir. Ils finiront par s’évader sur un radeau de fortune vers un lointain inconnu, abandonnant les vieux à leur sort scellé. Autre ton, tout de désinvolture assumée, chez Wolfgang Herrndorf où c’est un adulte qui, bravade ou simple désenchantement, s’emploie à défaire les rêves d’avenir d’un adolescent.

Alors que la peur est devenue une catégorie mentale fixant notre manière de percevoir la réalité, Annette Pehnt décline dans ses courtes nouvelles des formes
d’existence liées à ce sentiment protéiforme. Placées sous le signe du malaise diffus ou de la compulsion, les deux miniatures que nous publions ici illustrent les conséquences dramatiques, souvent absurdes, de cet affect capable de nous faire passer à côté de la vie.

Enfin, et parce que la littérature vit aussi de sa fidélité aux grands textes, Marcel Beyer nous donne en partage une lecture dense et inspirée de ce styliste génial que fut Claude Simon, Nobel de littérature 1985 et auteur de L’Acacia (1989). Sondant les enjeux d’une esthétique qui déconstruit la linéarité narrative au profit d’une recréation d’images et de souvenirs, c’est le mouvement même d’une « mémoire écrivante » que Beyer ressaisit, dans sa confrontation permanente à « la perfi die existentielle de la relation entre la réalité et l’image que nous nous en faisons ».

Sophie Deltin

Sommaire

Ingo Schulze Mon Grass

traduction par Renate Lance-Otterbein et Alain Lance

Emine Sevgi Özdamar Carrière d'une femme de ménage

traduction par Solange Arber

Jan Wagner Poèmes

traduction par Alain Lance

Georg Klein Aspiration Altwerck

suivi de Les Chevaux des enfants

traduction par Léo Thouvenin-Masson

Wolfgang Herrndorf De ce côté-ci de la Ceinture de Van Allen

traduction par Françoise Toraille

Annette Pehnt Présence

traduction par Aloïse Denis

Annette Pehnt Trésors

traduction par Sophie Deltin

Marcel Beyer Feuille, baraque, écorce, bordel. Claude Simon à Mühlberg an der Elbe

traduction par Cécile Wajsbrot

COnSEIL ÉDITORIAL

Nicole Bary

Sophie Deltin

Françoise Toraille

En collaboration avec

Joachim Umlauf

Nicole Colin

Anna Granier

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